Plusieurs institutions d'enseignement possèdent des collections d'œuvres d'art impressionnantes. Qu'elles soient peintes, sculptées ou qu'elles utilisent tout autre procédé, elles ont cependant toutes le souci de s'intégrer à leur environnement.
En 2010, l'Université Laval a fait appel au Centre pour la restauration d'une gigantesque murale de céramique. Réalisée en 1962 par Jordi Bonet, cette œuvre orne fièrement le mur extérieur du pavillon Adrien-Pouliot, qui héberge la Faculté des sciences et de génie.
Constituée de 3483 tuiles de céramique créées pour l'artiste à Courtrai, en Belgique, la murale mesure 27 m x 11 m au total.
Lucien Mainguy, architecte à l'origine de la construction de ce pavillon, la décrit ainsi : « Tout en respectant parfaitement l'architecture par une intégration de volume, de couleurs et de formes, l'artiste a tenté de rendre l'idée de l'Éternel effort humain dans tout ce qui existe, et là où la présence permanente des influences bénéfiques et maléfiques le place en arbitre. L'humanité y est présentée par un couple qui s'étreint, dont la femme se confond en lui. Le Bien et le Mal, qu'un bras puissant essaie de dominer, se reconnaissent dans l'oiseau à deux têtes. La sphère, à la fois nébuleuse et incohérente, saccadée en couleurs et en reliefs, signifie l'Univers connu et inconnu. » L'œuvre porte le nom de L'homme devant la science.
Photo 2 : Une section à droite de l'oeuvre commence à se décoller.
Photo 3 : Lors de l'expertise, la restauratrice s'assure que tous les éléments sont bien fixés.
Lorsque l'architecte de l'Université communique avec le Centre, une section a déjà commencé à se décoller et menace de tomber. Un sondage détermine l'ampleur du problème d'adhésion. Le son produit en cognant doucement sur chacune des tuiles donne une idée de leur adhésion.
Un relevé est alors tracé et remis au responsable. Il permet de rapidement identifier le problème sous-jacent et ainsi décider du traitement à opérer. Comme le sondage indique d'autres dégradations, les intervenants décident de procéder à une restauration en deux phases.
Tout d'abord, 130 tuiles sont démontées en urgence et apportées au Centre pour divers traitements avant d'être remises en place. Dans la seconde partie, 520 tuiles subiront les mêmes opérations. Finalement, une restauration sur place de toutes les tuiles restantes permettra de redonner vie à cette magistrale création.
Avant d'entreprendre toute action, l'entrepreneur chargé du démontage et du remontage doit identifier chacune des 3483 tuiles selon un système alpha-numérique. Cette méthode facilitera le remontage exact.
Puisque le mortier sera découpé pour décoller les tuiles, celles voisines risquent d'être affaiblies. Un système de consolidation est créé pour pallier ce problème.
Les tuiles sont démontées une à une, mises en caisse, puis envoyées au Centre pour restauration.
Photo 6 : Les tuiles sont consolidées avant leur démontage.
Photo 7 : L'entrepreneur lors du démontage des tuiles.
Photo 8 : Le démontage de la partie à risque est presque terminé.
Que ce soit pour la phase I ou II, les 650 tuiles retirées sont traitées de la même façon. Tout d'abord, chacune est photographiée pour documentation. On retire le mortier restant sur le pourtour et celui logé dans les rainures arrière.
Par la suite, un microsablage localisé fait à l'aide d'un outil de la grosseur d'un crayon, élimine les dépôts de cristaux blancs apparus à la surface.
Les tuiles sont ensuite consolidées afin d'être renforcies avant leur remontage. Celles cassées sont goujonnées et collées selon différentes méthodes. Les dos sont reconstruits et mis à niveau en prévision de leur réinstallation.
Les quelques éléments fixés à la surface de la murale s'étant détachés sont remis en place. Sur une vingtaine d'éléments tombés, deux n'ont pas été retrouvés. Puisqu'aucune documentation n'indique leur état d'origine, il est impossible de les reproduire.
Toutes les fissures et les manques de matières sont comblés. Les zones de perte de glaçure sont scellées afin d'empêcher l'eau de s'infiltrer. Finalement, des retouches sont réalisées là où nécessaire.
Les tuiles sont enfin réexpédiées à l'entrepreneur pour remontage. Puisqu'il s'agit d'une œuvre d'art, la méthode d'application habituelle pour le coulis est exclue. Au départ, il est décidé de couvrir chacune des tuiles de ruban masqué pour peintre. Cependant, cette étape est beaucoup trop fastidieuse. Finalement, le coulis est plutôt appliqué à l'aide d'un pistolet en évitant de déborder sur le dessin.
La plupart des tuiles n'ayant pas été démontées, une étape de restauration in situ est prévue. Les interventions réalisées sont semblables à celles effectuées au Centre. Il s'agit d'éliminer les efflorescences par microsablage, de refixer les éléments détachés, de combler les lacunes et d'effectuer les retouches.
Ce projet colossal, réalisé en deux phases, s'est échelonné sur quatre années. Et même si le avant-après n'est pas si frappant, la technique et le suivi que requiert un projet de cette ampleur dépassent de loin le résultat!
Date de mise à jour : 14 décembre 2011