Nul autre que le restaurateur n'a un contact aussi intime avec l'objet de collection. Il l'examine sous toutes ses coutures, le photographie sous toutes les lumières, l'analyse dans toutes ses parties. Cet examen l'amène à faire parfois des découvertes renversantes.
C'est ce qui est arrivé au moment du démontage de la verge noire, cet accessoire d'apparat qui, depuis des siècles dans les rituels du parlementarisme britannique, sert à commander l'ouverture des portes de l'Assemblée nationale.
En effet, à l'intérieur du petit lion d'orfèvrerie qui couronne l'œuvre, son artisan avait dissimulé deux lettres destinées à Monsieur l'Inconnu qui, un jour, allait procéder à son démontage. Ces deux lettres rédigées à des époques différentes témoignaient avec émotion et sincérité de la vie d'un artisan au XIXe siècle.
Admis à quatorze ans comme apprenti aux ateliers de son oncle, l'inventeur et l'orfèvre Cyrille Duquet, l'auteur des lettres avait 28 ans lorsqu'il rédige son premier billet. Il confie sa crainte de devenir vieux garçon à force de se languir pour l'élue de son cœur qui semble déterminée à l'ignorer.
Treize ans plus tard, au moment où le petit lion d'orfèvrerie revient sur son établi, il y glisse le second billet. On y apprend qu'il a finalement épousé son amour d'enfance Marie-Zélia qui lui a donné deux filles et un garçon de même que « tout le bonheur qu'un homme peut désirer sur terre ». Dans chaque lettre, il inscrit la liste des artisans et apprentis en emploi dans les ateliers de son oncle.
Date de mise à jour : 14 décembre 2011