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Le soin des objets métalliques

Morissette, Jérôme-René et Michèle Lepage, 1995 (Révision 2011). Conservation préventive dans les musées. Manuel d'accompagnement, pages 127 à 136.

L'orfèvrerie, les monnaies, les bijoux, les outils, les armes et certaines sculptures sont parmi les nombreux objets constitués de métal conservés par les musées. Certains sont composés de métaux nobles comme l'argent et l'or et possèdent une grande stabilité chimique. D'autres sont élaborés à partir de métaux, tels le cuivre, l'étain, le plomb, le fer, l'aluminium, ou de leurs alliages et sont plus vulnérables. Lorsque les métaux sont associés à d'autres matériaux, le plus souvent du bois, mais aussi du verre, de l'os, de l'ivoire, du cuir ou des plastiques, ils constituent des objets composites.

Les objets métalliques ont des surfaces aux finis très variés, qui sont parfois polies, rugueuses, peintes, vernies, cirées ou patinées, la plupart des métaux sont élaborés à partir de minerais qui subissent plusieurs étapes de transformation. Dès leur fabrication, ils tendent à retourner à leur état initial, soit celui de minerai. Ce phénomène naturel est qualifié de corrosion. Ce processus progresse plus ou moins rapidement en fonction de la nature des métaux, des transformations qu'ils ont subies et de l'environnement dans lequel ils ont évolué.

La conservation préventive des objets métalliques s'applique donc à ralentir le processus incontournable de la corrosion et à prévenir certains autres dommages auxquels leur nature les expose, afin qu'ils puissent livrer de la façon la plus intégrale possible les indices de leur mode de fabrication et d'utilisation.

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Corrosion active et passive

La corrosion est essentiellement un phénomène d'interaction entre la surface du métal et son environnement immédiat. Des produits de corrosion résultent de cette interaction; la rouille en est un bon exemple. Généralement, si ces produits sont poudreux et non adhérents, ils seront l'indice d'un processus de corrosion actif qui afflige le métal sous-jacent, entraînant une perte continue de matière. Si, par contre, ils forment une couche mince, compacte, adhérente, on parlera alors de corrosion passive, de surface stable, de patine. Cette couche forme ainsi une barrière entre le métal et les agents de l'environnement.

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Vulnérabilité des objets métalliques aux polluants et à l'humidité

Les objets métalliques considérés comme résistants, presque indestructibles, sont pourtant vulnérables. Leur réputation de durabilité nous amène trop souvent à négliger leur entretien.

L'ère industrielle a entraîné avec elle la propagation de polluants dans l'atmosphère créant un milieu plus agressif pour les métaux. Ces polluants atmosphériques, solides et gazeux, seuls, associés à d'autres ou en présence d'humidité, engendrent sur la surface d'un objet métallique un processus de corrosion plus ou moins important selon le métal ou l'alliage concerné. Sur la surface d'un métal, la poussière risque d'accélérer la corrosion, non seulement parce qu'elle est hygroscopique, mais aussi parce qu'elle peut contenir des sels. Les polluants solides comme la poussière, le sable et la suie ont de plus une action abrasive sur la surface des objets.

Les métaux archéologiques qui ont séjourné longtemps dans le sol ou sous l'eau, sont engagés dans un processus de corrosion souvent accéléré par la présence d'humidité et de sels. Ces objets sont recouverts par des produits de corrosion qui forment une gangue et qui les rendent souvent méconnaissables.

Les métaux exposés à l'extérieur en milieu urbain sont plus sujets à la corrosion du fait d'un environnement plus pollué.

Parmi les polluants gazeux les plus pernicieux pour les métaux, on retrouve certains gaz sulfureux tels le sulfure d'hydrogène (H2S) et le dioxyde de soufre (SO2), qui sont hélas très abondants. Combinés au vapeurs d'eau, ils forment des acides qui rongent les surfaces métalliques. La dégradation de monuments de bronze exposés en milieu urbain illustre de façon évidente l'attaque engendrée par les précipitations acides. Ces mêmes polluants ternissent l'argenterie.

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Protection contre l'humidité et les polluants

Protéger la surface métallique de l'humidité et des polluants gazeux ou solides suppose avant tout un contrôle de l'environnement immédiat de l'objet, qui peut être le lieu où il est exposé ou conservé, soit sa vitrine, son cabinet, sa boîte de rangement ou sa caisse de transport. Les objets métalliques requièrent un taux d'humidité relative faible. Plus ce taux est bas, plus on freine la corrosion. Toute chute importante de température est également à éviter, car elle occasionne une élévation de l'humidité relative qui déclenche ou accélère la corrosion et pourrait, à la limite, se traduire par de la condensation sur la surface métallique.

S'il est possible d'isoler les métaux du reste de la collection, dans une vitrine, une armoire étanche ou dans une réserve séparée, on doit chercher à y maintenir le taux d'humidité relative le plus bas possible. L'utilisation du gel de silice déshydraté ou d'un système mécanique de déshumidification peut s'avérer très utile.

Cependant, si les objets métalliques font partie d'une collection mixte comportant des matières animales et végétales ainsi que des objets composites, on recommande de maintenir un taux d'humidité relative qui convient aux matériaux les plus sensibles. Un taux moyen de 50% est généralement acceptables mais il importe qu'il soit le plus stable possible. Les divers matériaux d'un objet composite réagissent différemment aux fluctuations importantes d'humidité relative et de température. La composante
Élément, partie, pièce.
composante
organique se gonfle ou se contracte en réaction aux changements hygroscopiques, mais non la composante
Élément, partie, pièce.
composante
métallique. Des tensions entre les matériaux peuvent alors mener à des distorsions, des fendillements ou des bris.

Il n'est pas toujours possible de contrôler globalement l'environnement à l'aide de systèmes de climatisation dans les salles d'exposition ou dans les réserves. Un dessiccatif, tel que le gel de silice déshydraté, placé dans des vitrines, des cabinets ou des boîtes de rangement limitera alors les fluctuations d'humidité et protègera efficacement les objets métalliques vulnérables. La présence de polluants atmosphériques gazeux pourra être contrée par l'utilisation de matières absorbantes, tels le charbon activé ou la craie. Des tissus ou papiers anti-ternissure comme le Pacific Silver Cloth® ou l'Atlantic Silversafe®, peuvent également absorber les gaz sulfureux et ralentir le ternissement de l'argent. Pour une protection plus complète encore, on joint à l'utilisation de ces produits celle d'un dessiccatif.

En réserve, on isolera de la poussière et de l'humidité les objets archéologiques et ceux souffrant d'une corrosion active en les disposant dans des contenants étanches qui peuvent être de polyéthylène, d'acrylique ou de verre, dotés d'un dessiccatif. Du gel de silice déshydraté est déposé au fond de la boîte. L'objet est placé dans un sachet perméable comme le Tyvek®. Un indicateur d'humidité, placé à l'intérieur du contenant, permet une vérification périodique du taux d'humidité relative et indique quand il faut assécher de nouveau le gel.

Les objets métalliques sont aussi vulnérables à certaines vapeurs d'acides organiques. Ainsi, le plomb est particulièrement sensible aux vapeurs émises par le bois. Certains objets de plomb rangés dans des cabinets en chêne se sont désagrégés après quelques années seulement.

Des vapeurs nocives peuvent également provenir de peintures, vernis, adhésifs ou autres matériaux que l'on retrouve dans les caisses de transport, les unités de rangement et d'exposition. Mentionnons le formaldéhyde émis par certaines mousses synthétiques, les sulfures résultant de la dégradation des caoutchoucs, l'acide acétique souvent présent dans les colles blanches et les adhésifs de silicones. Il faut toujours s'assurer de la compatibilité des matériaux utilisés en présence des objets métalliques.

À l'extérieur, l'action de l'eau, de la poussière et des polluants atmosphériques gazeux peut être contrée par l'application d'un enduit protecteur qui fait office d'imperméable. Pour cette intervention, on consultera un restaurateur.

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Protection contre la lumière

En général, les surfaces métalliques sont insensibles à la lumière. Le contrôle de l'intensité lumineuse devient nécessaire pour les objets métalliques peints ou pour les pièces composites impliquant des matériaux sensibles. Il est préférable de réduire l'apport de la lumière pour satisfaire aux normes du matériau le plus fragile.

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Dégradation des objets métalliques due à des facteurs physiques

Au-delà de l'environnement qui influence la dégradation des objets métalliques, leur stabilité dans le temps est aussi liée à leur nature, à leur procédé de fabrication et à leur usage. Les objets portent les traces de leur histoire. Les métaux soumis à des stress, des tensions, des compressions, des vibrations ou à la chaleur connaîtront un affaiblissement structurel.
Certains dommages comme des bosselures, des égratignures, des fissures, ainsi que des pliures et des pertes de matière peuvent être occasionnés par des réparations, des manipulations et un entretien inadéquats. Ainsi, le polissage d'un objet métallique a pu faire disparaître ou altérer son fini de surface, sa patine. De la même manière, il faut toujours s'abstenir de déplier une feuille de métal ou de débosseler un objet. Certaines altérations deviendront des sites propices à la corrosion active.

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La manipulation des objets de métal

Avant même de déplacer un objet de métal, il faut l'examiner, évaluer son état. Peut-on déceler des faiblesses, des fentes, des bris, des soudures qui ne tiennent plus, des éléments détachés ou lâches, des signes de corrosion active? S'il s'agir d'un objet peint, vérifiez si la couche picturale ne s'écaille pas.

Utilisez des gants propres pour manipuler les objets métalliques. L'humidité, les sels et les graisses épidermiques ont un effet corrosif sur le métal, plus encore sur des surfaces récemment nettoyées et polies. Les taches humides et huileuse laissées par les doigts suffisent à abîmer une patine. De plus, les gants vous protégeront des produits de corrosion qui, comme ceux du plomb, sont toxiques et ont un effet cumulatif sur l'organisme.

Évitez de déplacer les objets dont la couche picturale s'écaille ou se soulève.

Utilisez l'équipement approprié pour le déplacement des objets :

  • des chariots avec rebords pour les objets de petit format
  • des plates-formes sur roulettes et des diables pour les objets de grande taille
  • de l'équipement à levage hydraulique pour les objets particulièrement lourds.

Sur les chariots, les objets de petite taille sont déposés sur des plateaux à rebords, dans des contenants ou sur des supports de mousse lorsqu'il s'agit d'objets dont l'assise est ronde ou instable. Pour éviter l'entrechoquement des objets ou les empêcher de rouler, on les sépare à l'aide de matériaux souples, doux, inertes et non pelucheux, comme des sacs de sable ou des mousses. On évite que les objets se heurtent à toute surface qui pourrait endommager leur patine ou leur couche picturale, les érafler ou causer des déformations mécaniques.

On protège les éléments fragiles et saillants d'un objet avant son déplacement. On le saisit par ses parties solides. S'il est instable sur son assise ou s'il a des parties fragiles ou lâches, il peut être transporté en position couchée sur une surface matelassée.

Les pièces de monnaie et les médailles sont manipulées par la tranche.

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La mise en réserve

Il est préférable d'utiliser des étagères métalliques, peintes avec la peinture cuite (émail) pour la mise en réserve. Toutefois, les objets de métal ne peuvent être posés directement sur la surface des tablettes. Celle-ci sont recouvertes d'un film inerte, soit de polyéthylène, soit de polyester de type Mylar®. On peut aussi utiliser les feuilles de mousse de polyéthylène.

Certains petits objets peuvent être disposés dans des bacs ou des boîtes. Ceux en plomb doivent être obligatoirement placés dans des contenants sans acide. D'autres nécessitent un support s'ils sont fragiles ou si leur assise est instable.

Tous doivent être recouverts pour être à l'abri de la poussière. On peut fermer les étagères à l'aide d'un rideau.

Le fil des lames est protégé à l'aide de matériaux inertes. De plus, les épées et les sabres sont supportés pour éviter la déformation de leur lame.

On peut utiliser des tissus et papiers anti-ternissure tel le Pacific SilverCloth® ou l'Atlantic Silversafe® pour l'emballage individuel des pièces d'orfèvrerie.

Des cartons porte-pièces sans acide pourvus d'une fenêtre en plastique stable (Mylar®) et fermés sur trois côtés avec des agrafes, sont spécialement conçus pour la conservation des pièces de monnaie et les médailles. Ces porte-pièces sont classés dans des cabinets de rangement en métal ou dans des contenants de matière plastique stable.

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Le numéro d'inventaire

L'inscription d'un numéro d'inventaire se fait généralement entre deux couches de vernis à ongles transparent. Le numéro y est inscrit à l'aide d'un stylo feutre à encre indélébile, comme le stylo Pigma®, ou bien à l'aide d'une plume de dessinateur avec de l'encre blanche. Le numéro est inscrit de façon à être à la fois discret et facilement repérable.

Pour une pièce de monnaie et une médaille, le numéro est inscrit sur le porte-pièce.

Lorsque la surface d'un objet est corrodée ou poreuse, on l'écrit plutôt sur un carton que l'on dépose à l'intérieur du sachet dans lequel l'objet est conservé. Il est également possible de l'inscrire sur une étiquette attachée à l'objet.

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Le dépoussiérage des objets métalliques

On ne dépoussière un objet métallique que dans la mesure où sa surface ne manifeste aucun signe de pulvérulence, de corrosion active ou de soulèvements de matière picturale et d'écaillage lorsqu'il est peint ou verni. Le dépoussiérage est fait à l'aide d'un pinceau à poils souples et doux, et l'on dirige la poussière vers l'embout d'un aspirateur. Celui-ci ne doit pas toucher la surface de l'objet.

Le retrait de produits de corrosion va au-delà d'une opération de dépoussiérage. Par son caractère irréversible,  il peut entraîner une perte irrémédiable d'informations. Il est donc essentiel de confier cette intervention à un restaurateur.

Si on constate que la corrosion progresse, il est important de vérifier l'humidité relative, d'isoler l'objet dans un contenant doté d'un dessiccatif et de consulter un restaurateur. Des rondes périodiques permettent de telles vérification.

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Le polissage

Le polissage est une opération à caractère abrasif et entraîne une perte de matière. Ainsi, des détails de reliefs et de motifs gravés peuvent disparaître. Certains objets comportent des patines, c'est le cas des pièces de monnaie; d'autres, comme l'argenterie sont plaqués ou sont vernis comme les instruments scientifiques. Des métaux comme le laiton et le cuivre présentent parfois des surfaces nues, polies et non patinées. C'est le cas également de certaines sculptures modernes en bronze. Le polissage de telles surfaces peut ruiner leur éclat et laisser des éraflures permanentes.

Les produits commerciaux sont souvent trop agressifs pour être utilisés sur des objets de musée. Ils peuvent laisser des résidus dans les creux et les porosités, dépôts qui sont difficiles à retirer par la suite. La formation d'une couche de ternissure sur l'argenterie est souvent moins dommageable que les multiples polissages que la surface aura subis.

Enfin, l'application d'un enduit de protection est réservée à des spécialistes. L'efficacité de cette protection relève de tant de facteurs qu'une application inappropriée pourrait même aggraver le processus de corrosion en emprisonnant de l'humidité sous le film par exemple. En plus, ces enduits peuvent devenir très difficiles, sinon impossibles à enlever.

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L'emballage et le transport

Trois points majeurs doivent retenir l'attention lorsqu'il s'agir d'emballer et de transporter des objets métalliques :

  • Les métaux sont souvent lourds,
  • malléables
  • et parfois cassants.

Ils doivent donc être protégés des chocs.

Ils ne sont pas hygroscopiques. Il est donc important d'isoler la caisse de transport et d'ajouter un dessiccatif ou un matériau tampon dans l'emballage. Ceci permettra d'éviter une augmentation de l'humidité relative et, dans des cas extrêmes, la condensation due à des changements de température.

Comme ils sont sujets à la corrosion, on s'assure de l'innocuité des matériaux d'emballage : pare-vapeur posé sur le bois, adhésifs chimiquement stables, papier d'emballage sans acide.

L'emballage individuel d'objets métalliques s'effectue à l'aide de papier sans acide recouvert d'une pellicule plastique stable, comme le plastique à bulles ou du Mylar® par exemple. Ce paquet est ensuite scellé par un ruban adhésif avant d'être déposé dans des contenants en carton solide ou en plastique cannelé, si le transport s'effectue sur de courtes distances. En d'autres circonstances, on recours à des caisses qui permettent de constituer un micro-climat à l'aide de gels dessiccatifs, un peu comme on fait pour des vitrines. Le dessiccatif contenu dans des sachets perméables prévient en partie la hausse du taux d'humidité relative à l'intérieur de la caisse où il est placé. Pour les caisses de grandes dimensions, les cassettes d'Artsorb® sont simples à utiliser.

Le transport de petites objets peut s'effectuer à l'aide de caisses à panneau amovibles faits en mousse de polyéthylène. Les objets, emballés individuellement, sont calés dans des nids creusés dans l'épaisseur de ces mousses, ce qui évite leur entrechoquement. Les panneaux sont disposés en strates dans la caisse.

Les objets plus volumineux ou plus lourds sont placés dans des caisses individuelles résistantes et pourvues de patins pour en faciliter la manutention. Les caisses sont conçues pour immobiliser l'objet et protéger ses parties saillantes ou fragiles.

L'installation d'étais matelassés et l'insertion de coussins préviennent l'entrechoquement des objets et les vibrations durant le transport. Les traces d'abrasion et les éraflures sur les surfaces patinées ou sur les enduits sont ainsi évitées.

L'addition d'une certaine quantité de charbon activé dans une caisse contenant des pièces d'orfèvrerie prévient la ternissure. Ces pièces peuvent aussi être emballées individuellement dans des tissus ou papiers anti-ternissure avant leur mise en caisse.

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En résumé

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de l'entretien des objets de métal. Leur aspect résistant ne doit pas nous faire oublier leur grande vulnérabilité à l'environnement et aux chocs.

Bibliographie et vidéographie

Date de mise à jour : 16 juin 2016

Gouvernement du Québec, 2021
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